sauvetage nautique au pied du barrage sartigan

Par: François L. Nadeau, instructeur sauvetage en eau vive et en zone inondée ainsi que technicien en accès sur corde.

Lors de nos formations, nous posons souvent la question suivante à nos candidats : « iriez-vous au feu avec des équipements conçus spécifiquement pour le sauvetage nautique, comme une combinaison étanche et un dispositif de flottaison? » Cette question fait toujours bien rire nos candidats, car il est plus qu’évident que la réponse est non. (La vidéo : Mission Specific Personal Protective Equipement qui circule sur le Web offre même une mise en scène au sujet de ce scénario. Voir la vidéo.)

Alors, pourquoi est-ce commun de voir des habits de combat incendie dans un contexte de sauvetage nautique? Traditionnellement, le bunker est porté systématiquement. Même lors d’une intervention nautique, le port du bunker donne un sentiment de sécurité aux intervenants, et avec raison, car celui-ci offre une protection contre plusieurs risques qui peuvent être présents dans l’environnement. Protection contre les éléments, protection contre les débris, etc. Dans les médias traditionnels ou encore sur les médias sociaux, nous observons régulièrement des images de services d’incendie, partout en province, qui utilisent le bunker dans des situations de sauvetage nautique. En zone froide, tiède, mais aussi en zone chaude. Que ce soit en contexte d’inondation, de sauvetage en eau vive, de sauvetage sur glace ou de sauvetage en embarcation.

Le 17 août 2000, un intervenant du Denver FD perd la vie lors d’un sauvetage dans un contexte d’inondation emporté dans un drain alors qu’il avait de l’eau au niveau des genoux. L’intervenant portait un bunker. Cet événement soulève des questions.

Est-ce que ça flotte un bunker?

Il n’y a pas si longtemps, les fabricants d’habits de combat disaient haut et fort que ceux-ci flottaient. C’est vrai.

Si vous faites quelques recherches sur le Web en inscrivant « swimming in bunker gear » par exemple, vous trouverez plusieurs vidéos d’intervenants dans l’eau avec leur habit de combat. Par contre, remarquez une chose au sujet de ces vidéos, ils sont toujours tournés dans une piscine. Imaginez un véritable contexte de sauvetage, de l’eau en mouvement, des débris, des vagues… Qu’arriverait-il à ce moment?

Le matériel utilisé pour fabriquer l’habit de combat, combiné à l’air emprisonné à l’intérieur de l’habit, permet effectivement de flotter si l’intervenant est en mesure de se mettre rapidement sur le dos, en position de survie, sans trop bouger. Est-ce que le fait de flotter partiellement en fait un équipement convenable pour intervenir dans un environnement nautique? Les intervenants connaissent-ils l’impact réel d’une immersion avec un bunker?

Aussitôt que l’intervenant essaye de nager, pour effectuer son autosauvetage par exemple, l’air contenu à l’intérieur du bunker s’échappe, entraînant ainsi la perte du principal élément responsable de flottabilité. Lors de tests menés au Maritime Tactical Training (MTT), des sauveteurs nautiques expérimentés ont tenté de nager une courte distance dans une piscine avec leur habit de combat. En moins d’une minute ceux-ci n’étaient plus en mesure de garder leurs voies respiratoires hors de l’eau et l’intervention de nageurs-sauveteurs a été nécessaire. (Neal Simpson (2015) Local firefighters get in pool wearing full gear as part of testing)

pompier avec vfi sans vfi

« Ils étaient incapables de soulever leurs bras à la surface de l’eau. »

De plus, même avec de l’assistance, il serait pratiquement impossible pour les intervenants de remonter sur un quai ou encore à bord d’un bateau. Même le port du demi-bunker uniquement pose un réel problème à la récupération potentielle d’un sauveteur ayant chuté à l’eau. On a également constaté lors de ce test que plusieurs dispositifs de flottaison sont incompatibles avec le port d’un bunker. Bien entendu, les fabricants de VFI et de gilets de sauvetage n’ont pas conçu ceux-ci pour qu’ils soient portés avec un habit de combat incendie. Ainsi, même le port d’un VFI ne permet pas d’assurer la sécurité des intervenants qui portent un habit de combat.

Un risque supplémentaire pour la santé et la sécurité des intervenants

sauvetage sous pont

Lorsque le sauvetage s’effectue en contexte de crue, d’inondation ou simplement dans un contexte plus urbain ou agricole, le risque de contamination doit être pris en considération. Le bunker n’offre pas de protection contre la contamination en cas de chute à l’eau puisque l’eau peut pénétrer à l’intérieur de celui-ci.

À l’opposé, un habit d’immersion, spécifiquement conçu pour l’environnement nautique, offrira une protection de qualité contre la contamination potentielle grâce à son étanchéité totale.

Ce que dit la NFPA et le RSST

D’abord, dans le Règlement sur la santé et la sécurité au travail (RSST), il est mentionné que le port d’un équipement de protection approprié à la nature du travail est nécessaire. L’employeur doit « fournir gratuitement au travailleur les moyens et les équipements de protection individuels ou collectifs requis (selon les risques du travail) ». À la lumière des éléments mentionnés plus haut, le bunker ne peut constituer une protection appropriée pour l’environnement nautique.

D’autre part, en ce qui concerne les normes NFPA, la norme 1006 (Standard for Technical Rescue Personnel Professional Qualifications) mentionne que l’objectif principal est que la sécurité et l’efficacité du secouriste ne soient pas altérées ou que la capacité des vêtements ne soit pas dépassée. L’autorité ayant juridiction devrait utiliser un équipement de protection individuelle adapté aux conditions de la zone d’intervention ainsi qu’aux opérations à effectuer.

La norme 1952 (Standard on Surface Water Operations Protective Clothing and Equipment) qui nous présente les exigences relatives à l’équipement de protection pour le personnel des services d’urgence ayant à intervenir dans un environnement nautique désigne la combinaison étanche comme étant l’équipement approprié pour intervenir dans ce type d’environnement. On y mentionne également que les habits d’immersion comme le Ice Commander, ou autres vêtements de survie, ne doivent jamais être portés en eau vive ou dans l’eau en mouvement. (NFPA 1952 A6.3)

equipement sauvetage nautiqueEn conclusion, pour assurer la santé et la sécurité des intervenants : analysez les risques et choisissez les bons équipements pour le bon travail dès le début de l’intervention. Pour une vaste proportion des interventions nautiques, le port d’une combinaison étanche se veut l’équipement le plus adéquat empêchant l’eau d’entrer en contact avec le corps. Bien sûr, celui-ci doit être combiné à un dispositif de flottaison adapté.

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