Sauvetage sur glace et habits de survie en eau froide

Par: François L. Nadeau, instructeur sauvetage en eau vive et en zone inondée, sauvetage sur glace et en eau froide ainsi que technicien en accès sur corde.

 

 

Le sauvetage sur glace et en eau froide est une spécialité importante au Québec. Environ 7 noyades par année se produisent en hiver et plus de 60 % des noyades se produisent dans des conditions d’eau froide, et ce, sans compter tous les autres types d’incidents reliés directement ou indirectement à la glace et à l’eau froide.

Pour opérer dans ces conditions, les intervenants doivent utiliser des équipements de protection individuels (EPI) spécifiques pour ces conditions. Il est très fréquent de voir des services d’urgence utiliser des habits de survie en eau froide (ice suits) tels que le Mustang Ice Commander comme protection thermique. Toutefois, l’utilisation de tels équipements soulève des questions. Sont-ils vraiment le meilleur outil pour exécuter des interventions de sauvetage sur glace et en eau froide ?

Rendons à César ce qui est à César

Ce n’est pas sans raison que les habits de survie en eau froide sont souvent choisis pour les interventions en présence de glace. Ces combinaisons présentent certains avantages notables et surtout une facilité qui peut être attirante par leur aspect « couteau suisse ».

Son principal avantage (qui est aussi un désavantage, nous y reviendrons) est l’aspect tout-en-un. D’abord, il s’agit d’une protection étanche, les bottes y sont intégrées ainsi que les gants et la cagoule. Une couche isolante est également présente à l’intérieur de la combinaison et cet isolant offre également une flottaison considérable. Un harnais avec un point d’attache à l’avant est également intégré et l’on retrouve bien souvent des pochettes conçues pour contenir les pics à glace.

En règle générale, les fabricants offrent une taille unique convenant à la majorité des utilisateurs (environ 100-330 lb/4’11”-6’6”). Il est donc normal que les services d’urgence soient attirés par le « tout inclus » qu’offre un tel équipement. De plus, soyons honnêtes, de telles combinaisons offrent un bon niveau de confort devant les conditions d’eau froide. Dans un contexte de pratique, on doit possiblement aller à l’eau à plusieurs reprises pour pratiquer les techniques de sauvetage ou encore agir à titre de victime; les habits de survie en eau froide offriront donc une protection difficile à battre.

Cela étant dit, devrait-on se baser sur le contexte de pratique pour bien choisir nos équipements d’intervention ?

Des avantages désavantageux

Conçue pour des usagers allant jusqu’à 330 lb, la combinaison sera, pour la plupart des intervenants, très ample, limitant ainsi la mobilité. Nager ou encore se déplacer en terrain technique peut s’avérer laborieux. Les gants intégrés réduisant énormément la dextérité, la manipulation de cordages, de mousquetons, de système d’assurages et la confection de nœuds deviennent très difficiles. Il est même parfois impossible pour les intervenants d’ajuster leurs autres EPI de façon autonome. La cagoule réduit significativement l’audition et les bottes offrent une adhérence minime. Bref, le port de ce genre de combinaison est physiquement très limitant.

En sauvetage nautique, plus spécifiquement en sauvetage sur glace, il faut considérer que nous sommes dans un environnement à très haut risque. Le niveau de mobilité, la souplesse, la dextérité, la capacité de voir et d’entendre sont des éléments clés au succès de l’intervention ainsi qu’à la santé et à la sécurité des intervenants. À l’origine, ces combinaisons étaient conçues pour la survie en eau froide et potentiellement pour porter secours à l’aide d’un treuil (d’où l’origine de l’anneau ventral) et non pour effectuer des sauvetages techniques. À l’époque, à défaut d’avoir accès à d’autres outils, l’usage de ce genre de combinaison s’est répandu pour le sauvetage sur glace et les techniques se sont développées en tenant compte des attributs de cet équipement, comme le fait de s’assurer à l’avant par exemple.

Par ailleurs, bien que les combinaisons offrent une flottaison, celles-ci ne répondent pas aux exigences de Transport Canada et, par le fait même, au Règlement sur la santé et la sécurité au travail (RSST). Les intervenants qui désirent utiliser des habits de survie en eau froide doivent donc impérativement combiner celui-ci avec un vêtement de flottaison individuel (VFI) pour respecter la règlementation en vigueur. Apprenez en plus sur le règlement pour le travail à risque de noyade.

En combinant ainsi ces deux équipements, on se retrouve dans une situation de « surflottaison ». Bien qu’une flottaison supplémentaire puisse être pertinente pour la gestion d’une victime, trop flotter présente aussi des enjeux sur le plan de la mobilité dans l’eau et peut compromettre la capacité de l’intervenant à faire son autosauvetage.

Bien que l’on parle de sauvetage sur glace, il n’est pas rare d’observer un croisement entre des conditions de glace, mais aussi d’eau en mouvement, d’eau vive. Ainsi qu’il est stipulé par certains fabricants, les habits de survie en eau froide sont conçus pour une utilisation dans l’eau statique et immobile (The Ice Commander is intended for ice and still/static cold water rescues – Site Web Mustang Survival). Il en est également mention dans la norme NFPA, plus précisément dans l’annexe 6 de la norme 1952. Il est dit que les habits de survie en eau froide ne sont pas destinés à un usage en présence d’eau en mouvement. À partir de 0,51 m/s de vitesse de courant, l’eau est considérée en mouvement selon les normes NFPA. La fragilité du nylon constituant ces combinaisons est un élément inquiétant. Advenant le cas d’une déchirure dans l’eau en mouvement, l’entrée d’eau à l’intérieur de la combinaison pourrait avoir des conséquences graves pour la santé et la sécurité des intervenants. À noter que ce risque existe avec tout type de protection étanche, mais plusieurs habits de survie en eau froide sont particulièrement fragiles comparés à des combinaisons étanches ou communément nommées dry suits. Considérant que plus de 40 % des noyades ont lieu dans les rivières, il serait judicieux d’avoir accès à des équipements qui permettent d’intervenir de façon sécuritaire dans l’eau en mouvement.

Les alternatives

EPI pour sauvetage sur glace

Alors, en tenant compte des éléments traités précédemment, il serait possible de dire que les habits de survie en eau froide ne sont pas de mauvais équipements pour le sauvetage sur glace, mais ils ne sont pas non plus le meilleur choix disponible. Ils ont leurs avantages. Toutefois, il serait judicieux de se tourner de plus en plus vers des combinaisons étanches telles que le NRS Extreme SAR ou le Mustang MSD-624 combinés à un bon dispositif de flottaison comme le Mustang MRV-150, le Salus SAR-770 ou encore le NRS Rapid Rescuer qui sont munis d’un système de dégagement rapide et répondent aux exigences de flottabilité minimale des normes NFPA.

Prendre cette direction nous offre plus de flexibilité, car les dry suits pourront être utilisés en sauvetage sur glace, mais aussi pour le sauvetage en embarcation et le sauvetage en eau vive en adaptant les sous-couches selon les conditions. Bien qu’il soit aussi nécessaire de se procurer des gants et des bottes (car ceux-ci ne sont pas intégrés aux combinaisons étanches), nous avons plus de flexibilité encore une fois lorsqu’il s’agit de choisir des bottes et des gants plus adaptés aux interventions : des gants offrant plus de dextérité ou encore des bottes offrant une meilleure adhérence sur les surfaces mouillées. Avec un tel équipement, les intervenants sont plus mobiles, plus agiles et plus aptes à effectuer des interventions dans une variété de conditions et d’environnements.

Lors d’un sauvetage sur glace, nous nous retrouvons également avec le choix de s’attacher à l’avant ou à l’arrière, sur un système de dégagement rapide ou non. La manière de s’attacher en sauvetage sur glace est également une source de débat, mais cet aspect ne sera pas traité dans le présent article. Bien entendu, avoir le bon équipement pour le bon travail est primordial, mais rien ne remplace une bonne formation. Les connaissances et compétences peuvent permettre de s’adapter selon les équipements qui sont mis à notre disposition. Apprenez-en plus sur notre programme de formation de sauvetage sur glace et en eau froide de l’ENPQ.